Les cachotteries de Philippe de Chérisey ou l'étrange alliance entre la famille de Chérisey et les descendants de Théodore de Bèze
Philippe de Chérisey ignorait-il l'existence du codex de Bezae et était-il étranger à la famille du commentateur, Théodore de Bèze, qui donna son nom à ce codex ?
De l'impossibilité de justifier l'authenticité des parchemins de Rennes-le-Château en soutenant que Philippe de Chérisey ignorait l'existence de ce codex.
L'un de mes collègues, dont l'instruction et la perspicacité ne sont plus à prouver, venait à peine de faire une découverte d'importance concernant Philippe de Chérisey, lorsque je décidai de la publier. Je ne pouvais point imaginer que cette publication serait l'occasion d'une polémique acharnée n'ayant d'autre but que de remettre en question cette découverte. Cette annonce semble en effet avoir causé un grand émoi chez certains chercheurs, et ceux-ci tentèrent de faire vaciller nos arguments en leur opposant bien souvent tout ce que la mauvaise foi leur inspirait. Ce fut pour nous l'occasion d'épurer notre argumentation et de clarifier notre démarche. Aussi nous nous proposons de l'exposer en ces quelques lignes.
A vrai dire, l'un des seuls arguments qu'avancent les partisans de l'authenticité des parchemins dits « de Bérenger Saunière », concernant leur refus de reconnaître la paternité de Philippe de Chérisey vis-à-vis de ces documents, est l'absence de lien le rattachant avec Théodore de Bèze ou le codex éponyme. A les en croire, Chérisey n'aurait jamais rien su de l'existence de ce codex, ou de son commentateur, Théodore.
Le marquis Philippe de ChériseyLorsque nous avons entrepris de faire pour la première fois mention d'un lien de parenté entre Philippe de Chérisey et la famille de Théodore de Bèze, la stupeur fut telle, qu'on nous objecta qu'il ne pouvait s'agir que d'une confusion avec une famille « Dreux Brézé », vaguement homonyme, qui ferait son apparition dans l'arbre généalogique des de Chérisey vers la fin du XVème siècle. Selon Franck Daffos, on remarquerait en effet qu'un certain Gaston de Brézé (1467-1543) aurait épousé vers 1490 une Marie de Chérisey.
Là n'était pas le problème, puisqu'une alliance entre les Chérisey et la famille Bèze n'avait d'intérêt que si elle était intervenue assez récemment. La logique impose en cette matière qu'on ne recherche point des liens entre les Chérisey et la famille Bèze en remontant jusqu'au Moyen-Age, et qu'on ne parcoure pas ainsi leurs généalogies sur des siècles ! Philippe de Chérisey n'a pas vécu au Moyen-Age, et s'il devait avoir entendu parler de la famille de Bèze, ou eu une occasion de s'y intéresser, cela ne pouvait avoir eu lieu qu'assez récemment, par exemple par le truchement d'une alliance de famille qui l'aurait touché de près.
Ayant échappé à l'attention des différents chercheurs, une telle alliance apparaissait pourtant clairement dans la retranscription de l'historique du Château de Joncy, consultable sur le site de l'encyclopédie libre Wikipédia à cette adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Joncy On peut relever sur cette page que le beau domaine de Joncy, situé sur la commune du même nom, en Saône-et-Loire, au bord de la Guye, était la propriété d'un certain Baron Jacques Cottin de La Barre qui en fit hériter sa fille aînée Mme de Latane de Puyfoucauld. Celle-ci en légua la propriété à sa fille, Mme de La Maisonneuve, qui fit de même avec sa propre fille, Mme Théodore de Bèze. Cette dernière était la cousine de Jean René, Vicomte (Comte) de Chérisey, qui vécut au XXème siècle. Diplomate français, il hérita de sa cousine les terres de Joncy, et s'exerça à réunir un tiers des domaines composant autrefois la baronnie, tout en portant son attention à la restauration des bâtiments qui subsistent et à la reconstitution des jardins à la française.
Il est étonnant que cette alliance n'ait jamais été mentionnée dans aucun ouvrage récent traitant du Prieuré de Sion, des parchemins de Rennes-le-Château et des faits et gestes du Marquis Philippe de Chérisey. Surtout concernant les liens réputés inexistants entre les Chérisey et tout ce qui touche de près ou de loin aux Bèze, et au codex éponyme qui fit la gloire de leur célèbre ancêtre, Théodore de Bèze. Pourtant il est indéniable que la parenté entre les Chérisey et la famille de Bèze était connue par Philippe de Chérisey, et ses cousins, et que vers 1940, encore, on citait la cousine Mme Théodore de Bèze en référence à l'héritage qu'avait reçu Jean René de Chérisey. Il semble d'ailleurs que ce soit cet évènement qui marqua plus particulièrement les esprits, et que cet héritage ait excité quelques convoitises au sein de la famille.
Il nous faut encore dire à ce sujet que lorsque ce lien de parenté fut clairement exposé à certains chercheurs, on nous objecta très vite qu'il s'agissait là d'une information qui n'était pas vérifiée, et qu'on ne voyait nulle part que la famille de Philippe de Chérisey ait parlé d'une telle alliance. C'est pourtant de la bouche même du Vicomte Jean René de Chérisey, cousin de Philippe de Chérisey, que nous avons appris que ce dernier avait hérité de sa cousine, et qu'une alliance récente était intervenue entre sa famille et celle des Bèze. Nous lisons en effet, dans ses mémoires, rédigée pendant la guerre 1940-1945 et numérisée par Jean Loup de Chérisey , ce qui suit : « A moi (c'est-à-dire venant de Mathilde de Boisjourdan, cousine de Mme Théodore de Bèze, parente des Cottin de La Barre), elle laissa ce qu'elle avait recueilli de l'héritage de sa cousine de BÈZE à JONCY : le pré du Vigny et la petite Garenne. [.] Quant à Madame de La Maisonneuve, elle habita peu JONCY, qui avait tant souffert de la Révolution. Sa fille unique, Madame Théodore de BÈZE, ne l'habita jamais. J'ai expliqué ailleurs par quel concours de circonstances ma grand-mère (ici Mme Clara Cottin de La Barre, fille de Jacques Cottin de La Barre de Joncy, veuve de François Louis Victor Comte de Chérisey), ayant hérité à 94 ans d'un quart de la terre restant de JONCY, me demanda de le reprendre. »
Théodore de BèzeNous voyons bien que cette alliance est solidement documentée, et que les Chérisey l'avaient encore fraîchement à l'esprit en 1940 ou 45, époque où vivait Philippe de Chérisey. Or certains chercheurs soutiennent arbitrairement que Philippe n'a pas pu participer à la création des parchemins dits « de Bérenger Saunière » sur le seul fait que ce dernier aurait tout ignoré du codex de Bezae. Ils ajoutent que cette ignorance s'étendait au nom même du codex, et qu'elle allait jusqu'à méconnaître l'existence du plus célèbre commentateur de ce manuscrit : Théodore de Bèze.
Or, s'il est permis d'émettre des réserves (sur la seule hypothèse que celui-ci connaissait le codex de Bezae et la famille qui l'a rendu célèbre) sur la participation de Philippe de Chérisey à l'élaboration des deux parchemins, c'est-à-dire au bidouillage qui a consisté à copier des passages du codex de Bezae pour créer de faux parchemins, il est par contre impossible d'argumenter sur l'authenticité des parchemins en alléguant que Philippe de Chérisey ignorait tout du codex ou de la famille de Bèze qui lui donna son nom. Nous devons admettre qu'il s'agit là en effet d'un faux problème, et que les éléments que nous venons d'exposer ruinent définitivement le montage historique de certains chercheurs de trésors. Ceux-ci avaient malheureusement pour eux, sans doute trop rapidement, construit un raisonnement, sur des bases incertaines qu'ils ne parviennent plus à justifier, autour d'un trésor mirifique, gros « comme un terrain de football ». Non pas, au fond, que cette alliance entre les Bèze et les Chérisey et la connaissance par Philippe de l'existence du Codex et de son contenu soient de nature à établir avec certitude que Philippe soit bien l'auteur des parchemins. On ne possède d'ailleurs actuellement pas de preuve directe allant dans ce sens. Mais plutôt que la méthode développée par ces chercheurs n'était pas recevable, parce que ces derniers assénaient à qui voulait l'entendre que les parchemins étaient forcément authentiques puisque Philippe de Chérisey n'avait aucun lien avec le fameux codex.
Théodore de Bèze
On le reconnaîtra sans peine, trop souvent les affirmations gratuites et les jugements arbitraires sont le ferment de fatigantes querelles entre chercheurs, et d'atermoiements sans fin qui ne conduisent nulle part et retardent au final, de plusieurs dizaines d'années, la rédaction de conclusions sérieuses. Au nombre des tentatives pour discréditer la découverte de mon collègue aux yeux des personnes crédules, plusieurs questions incongrues nous furent posées. Certaines se voulant une remise en question de notre autorité en matière de recherche, et loin d'enrichir le débat scientifique, sont des essais désespérés pour écarter tout ce qu'il y a de dérangeant dans ce lien de parenté entre Philippe de Chérisey et Madame Théodore de Bèze. Il n'y aurait donc pas motif ici à énumérer ces questions incongrues, dont les réponses ne posent a priori pas de difficultés, si nous n'avions observé qu'elles laissaient perplexes certains lecteurs.
• On a prétendu que Mme Théodore de Bèze ne pouvait point être de la famille de Bèze au seul prétexte que « Théodore de Bèze » semblait ici être un patronyme à part entière. Outre l'étrangeté de cette réflexion, il faut savoir tout simplement que dans les vieilles familles, la femme mariée prend le prénom du mari. Mme Théodore de Bèze ne fait donc point exception à la règle, et ceci se voit fort bien puisque Jean René de Chérisey la cite également, en disant « sa cousine de Bèze », et non pas « sa cousine Théodore de Bèze ».
• Hamon On a encore prétendu que le célèbre Théodore de Bèze n'avait ni frère, ni sour, ni aucune famille, et que son père, Pierre de Bèze était mort sans enfant, que Théodore ne pouvait donc point avoir eu de descendance et que la cousine de Jean René de Chérisey, Madame Théodore de Bèze, ne pouvait donc point être la descendante de cette famille. Ces chercheurs ont semble-t-il espéré nous poser là un problème insurmontable, en supposant que les difficultés que l'on rencontre à se renseigner sur la famille Bèze pouvaient donner du crédit à leurs affirmations. Or il n'en est rien, puisqu'il est permis de lire, dans l'ouvrage intitulé « Un siècle et demi d'histoire protestante » de Léo Hamon, ainsi que dans l'article de Jean-Marc Berthoud « Théodore de Bèze, Pasteur et défenseur de la foi » paru dans la Revue Réformée, que son père (le père de Théodore de Bèze) Pierre de Bèze, bailli du roi à Vézelay, eut d'un premier lit avec Marie Bourdelot, d'une famille noble du Nivernais 7 enfants, et qu'il eut d'un second lit 6 enfants de plus. Nous voyons bien qu'il n'y avait là, de la part de certains chercheurs, que de futiles tentatives afin d'éviter de devoir se confronter à des réalités qui sont déplaisantes à connaître lorsqu'on élève en dogme des rêveries de chercheurs de trésor.
L'ouvrage de Léo Hamon (« Un siècle et demi d'histoire protestante : Théodore de Bèze et les protestants sujets du roi », par Léo Hamon, publié par les Editions de la Maison des Sciences de l'Homme (MSH), dans la collection « Les Entretiens d'Auxerre », Paris, 1985) est consultable à cette adresse! L'extrait pertinent se situe page 63 de cet ouvrage, au début du chapitre 5 intitulé « Théodore de Bèze » rédigé en collaboration avec le Pasteur Jacques Fromental.
Le texte intégral de l'article de Jean-Marc Berthoud (« Théodore de Bèze, Pasteur et défenseur de la foi (1519-1605) » un article de Jean-Marc Berthoud, in Revue Réformée n° 240 - 2006/5, Novembre 2006 - Tome LVII) est disponible à cette adresse. L'extrait pertinent se situe après l'introduction de l'article, au début de la section « I. Vie de Théodore de Bèze » - « 1. Enfance et jeunesse ».
Citation : « Comme nous venons de le dire, Dieudonné de Bèze - il grécisa son prénom en Théodore - naquit en 1519 dans la vieille cité de Vézelay. Il était issu d'une famille de la petite noblesse, son père, Pierre de Bèze (1485-1562), juriste et héritier d'une fortune liée au travail industriel des forges et à de nombreux bénéfices ecclésiastiques, était le bailli royal de sa ville natale. Théodore, le cadet des sept enfants d'un premier lit (la deuxième épouse de Pierre de Bèze lui donna encore six enfants), était d'une santé fragile bien que, par la suite, il ait joui d'une robustesse à toute épreuve. »
• Sur les tentatives de contournement du sujet : La contestation de M. Daffos est, quant à elle, centrée sur une tentative de démonstration qui tend à prouver que Chérisey n'aurait pas pu obtenir de « savoir secret » à propos du codex de Bezae, savoir transmis de génération en génération dans la famille de Bèze (en prétendant que la transmission d'un tel savoir était l'affirmation de Isaac Ben Jacob). Or, l'étude ici présente tentait simplement de mettre en évidence le fait que Chérisey ne pouvait pas ignorer la provenance du texte du « parchemin » et l'histoire du codex. L'intérêt de cette étude étant d'établir que l'argumentation de ceux qui veulent prouver que Chérisey « n'a pas pu créer ces « parchemins », parce qu'il semble se tromper en mentionnant le Dom Cabrol » sont dans l'erreur, et que le Dom Cabrol possède une utilité précise et ignorée et qu'il est tout aussi imprudent, afin de le discréditer en tant qu'auteur, de se fier aux « explications » de Philippe de Chérisey sur la façon dont il s'y est pris pour coder les parchemins.
Les Chérisey sont divisés en deux titres :
La Branche des Marquis de Chérisey qui nous intéresse commence avec le 3ème Marquis de Chérisey. C'est-à-dire avec Charles LOUIS, (3e) marquis de CHÉRISEY, né le 9 août 1751, en la Paroisse de Saint-Roch, Paris, France. Le titre de Marquis échoit à son premier fils, Charles César Louis PROSPER, (4e) marquis de CHÉRISEY, né le 5 décembre 1786, en la paroisse de St. Nicolas des Champs, Paris, France. Et le titre de Comte (et Vicomte) échoit à un autre de ses fils, François Louis VICTOR, comte de CHÉRISEY, né le 5 septembre 1793, à Luxembourg. Ce titre de comte et de vicomte sera porté par Louis Victor, et donc ensuite par Jean RENÉ Vicomte de CHÉRISEY, cousin de Philippe de Chérisey, marquis. C'est ce Jean René dont la mère était une Cottin de La Barre de Joncy, parente de Mme Théodore de Bèze. Le fils du 4ème marquis est Charles Auguste RENÉ Louis, (5e) marquis de CHÉRISEY, né le 17 juin 1822, à St. Germain en Laye, Yvelines, France. Le titre de marquis sera donc porté par ce Charles Auguste René Louis, jusqu'à Philippe de Chérisey lui-même.
Deuxième partie
Philippe de Chérisey avait-il fait le rapprochement entre le codex de Bezae et le texte des parchemins dits « de l'abbé Saunière » ?
Philippe de Chérisey connaissait-il le Codex de Bezae. Supposition hasardeuse ? Non, et un point précis suffit à la démontrer.
Tout d'abord posons la méthode : Si le « Pierre et Papier », c'est-à-dire le « testament de Philippe de Chérisey » est bien de sa main, alors on ne peut mettre en doute le fait qu'il avait connaissance de l'existence et du contenu du Codex de Bezae. Dans le cas contraire, il n'argumenterait pas sur le passage « Secundo Primo ».
Explications : Grâce aux documents aimablement fournis par Valérien Ariès, il est maintenant permis de vérifier l'écriture de Chérisey. Lorsque l'on compare le « testament » manuscrit reproduit à la fin du livre de Jean-Luc Chaumeil aux extraits de courriers affichés sur le site du « Portail et Gazette de Rennes-le-Château » de Johan Netchacovitch (Dossier « Les archives de Philippe de Chérisey », par Valérien Ariés et Johan Netchacovitch, 25 novembre 2006, disponible à l'adresse suivante : http://www.portail-rennes-le-chateau.com/cherisey/cherisey.htm, le doute n'est plus permis, il s'agit bien de la même écriture, une écriture caractéristique, très facile à identifier. Donc le « testament » est bien l'ouvre de Philippe de Chérisey.
Ce premier point une fois établi, il ne reste plus qu'à constater que Chérisey, dans presque 50 % de ses explications liées à la rédaction des deux parchemins, base toute son argumentation sur ces seuls deux mots : « Secundo Primo ». Pour exemple, nous lisons dans une interview de Chérisey réalisée par Chaumeil, ainsi que dans le « testament », ces quelques phrases :
Jean-Luc Chaumeil*** « Jean-Luc Chaumeil : Enfin, il y a un premier système avec le P.S. ?
Philippe de Chérisey : Oui, c'est cela. Mais ceci est encore autre chose. En fait, il faut prendre ce qui est en second. Ce qui est en second doit venir en premier. C'est un peu comme les tirelires japonaises où la clef est à l'intérieur. Toute la beauté du décryptage réside dans un des Evangiles de Luc, qui commence ainsi : « In Sabbato Secundo Primo ». Ce texte a d'ailleurs causé un casse-tête aux sociétés anonymes. Il faut dire que « Un certain jour de Sabbat, second premier », n'est pas à proprement parler, traduisible. Personne n'a jamais entendu parler de cela. Alors, il doit s'agir, comme ils se promènent dans un champ de blé et qu'ils ont faim et qu'ils mangent le blé à même, il doit s'agir du « Second Sabbat suivant le premier jour des pains sans levain ». C'est tout ce que l'on a pu trouver comme interprétation ! [.] En conclusion, « In Sabbato Secundo Primo » ne veut pas dire : un certain jour de sabbat second premier, mais signifie : en qualité de second, Sabbasius devenu premier. Ce qui est amusant, c'est que les réunions de Sorcières sont qualifiées de « Sabbats ». [.] La première phrase contient des énigmes que les exégètes ont renoncé à élucider. Jesus in sabbato secundo primo, Jésus en un jour de sabbat Second Premier, qui pouvait être le second sabbat suivant le premier jour des pains sans levain ou le premier sabbat suivant le second jour ? Malheureusement ce sabbat second premier n'a aucune référence dans la littérature Biblique. »***
Blason de Cherisey - "TOUJOURS TOUT DROIT"
Les mots « Secundo primo » revêtent visiblement une importance considérable pour notre ami. Contiendraient-ils une clef capable de nous aider sur la piste du Codex de Bezae ? Comme l'indique Philippe de Chérisey, aucun commentateur n'a jamais compris ce que voulait dire un shabbat second premier (traduction de sabbato secundo primo) et c'est la raison pour laquelle les exégètes ont reconnu qu'il s'agissait d'une particularité notable, propre au Codex de Bezae. Cela signifie clairement que Philippe s'est renseigné, puisqu'il affirme que « les exégètes ont renoncé à élucider » la signification littéraire de cette première phrase du texte des parchemins. Or, et c'est bien là la clef de la preuve, si Chérisey s'est en effet renseigné sur ces mots « secundo primo » et qu'il base tout son commentaire des parchemins dessus, il ne peut pas ignorer que le seul manuscrit dit « Européen » à posséder ces mots dans son texte, est le codex D05, c'est-à-dire le Codex de Bezae. Nous lisons ceci en effet chez l'un des seuls exégètes catholiques experts bibliques, le père Marie-Joseph Lagrange, directeur de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes Bibliques de Jérusalem (sous le pontificat de Léon XIII) qu'« il serait sans doute ici question du Second de deux Sabbats qu'on pouvait qualifier de premiers. Ces mots, Secundo-Primo, invraisemblables, doivent être rejetés d'après les règles de la critique, car ils sont omis par les codex aleph, B, L, W, 1, 22, 33, 69, 118, 157, 209, ew, b, c, e, f° l q, boh, sah, syrr, ce qui autorise à les supprimer malgré leur existence dans le codex (D05) de Bezae ». Aucun texte européen en oncial autre que le codex de Bezae ne contient ces mots. Chérisey, ayant fixé son attention sur eux, et ayant consulté « les exégètes », ne pouvait donc l'ignorer.
Pierre et PapierQue l'on en conclue ce que bon semblera. Pour ma part, je pense également qu'il y a une sorte de continuité de « pensée » entre Bérenger Saunière et Chérisey. Chérisey n'était qu'un demi-farceur, selon ses propres mots. Il y a donc un fond de vrai dans cette histoire. Même dans les parchemins pourtant visiblement rédigés par Chérisey, subsiste quelque chose qui est l'expression de ce qui s'est réellement déroulé à Rennes-le-Château au temps de Bérenger Saunière.
Enfin, nous soulignons juste à propos du "Secundo Primo" : que M. F. Daffos a affirmé que cette découverte ne pouvait pas avoir d'importance parce que ces deux mots figurait déjà dans le texte des parchemins, et qu'il suffisait donc pour Chérisey d'avoir lu ces manuscrits pour citer ces mots. Ce n'est pas exact ! En effet on voit mal, et il serait même inexplicable que Cherisey ait cité ces mots plutôt que d'autres, et qu'il les ait cités SPÉCIFIQUEMENT, alors que ces mots sont SPÉCIFIQUES au Codex de Bezae, c'est-à-dire qu'ils n'existent pas dans les autres manuscrits occidentaux. Or on ne peut pas citer ces deux mots, et porter une attention particulière à ces deux mots sans connaitre le codex puisque les exégètes ont spécifiquement classifié les mots « Secundo-Primo » comme étant LA particularité du Codex. Nous croyons que la chose est donc entendue sur ce point.
Troisième partie
Philippe de Chérisey faisait-il bien allusion au codex de Bezae (l'origine du petit parchemin), en disant dans « Pierre et Papier » que le petit parchemin était un « montage » de trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) ?
• Sur les tentatives de contournement du sujet :
F. Daffos et, à sa suite, d'autres chercheurs ont affirmé que le fait que Philippe de Chérisey qualifie le texte du petit parchemin de « compilation de trois évangiles synoptiques » tel que l'écrit Jean-Luc Chaumeil en citant Philippe de Chérisey dans sa présentation de « Pierre et Papier », prouverait que Chérisey ne maîtrisait pas son sujet, et qu'il ne pouvait donc être l'auteur du petit parchemin, la source de ce dernier étant, comme nous l'avons vu, le Codex Bezae. Mais ce ne sont là que des affirmations sans base, comme nous allons le montrer grâce à l'article intitulé « Histoire du manuscrit et de son texte » extrait du site « DAMMARILYS » spécialisé sur le Codex Bezae Cantabrigiensis.
Extraits : « L'analyse de la calligraphie a permis de faire remonter sa réalisation aux années 380-420 (voir note 1). [.] la confection du livre n'est pas antérieure au début du V ème siècle [.]
L'ancêtre du codex Bezae différait du texte standard de nos bibles par certains versets en moins, sinon par d'autres qu'il avait en propre ou qu'il partageait avec les manuscrits dits de la tradition occidentale, par des membres de phrases, des termes, des conjugaisons, des cas, des déclinaisons, ou encore par l'ordre de ses mots. La présence (ou l'absence) d'un simple article peut peser d'un grand poids dans la compréhension de telle ou telle expression employée par le Christ.
L'évangile de Jean s'y trouvait, non point à la quatrième, mais à la seconde place, juste derrière Matthieu ; la copie du Vème siècle répercuta cet ordre, adopté aussi dans le codex W 032 de Washington, alors qu'il n'était plus habituel. Cet ancêtre pourrait avoir constitué le premier recueil rassemblant les textes néotestamentaires et lors de ce regroupement il y eut une tentative visant à harmoniser les évangiles entre eux puisque certains passages de Marc et de Matthieu vinrent s'interpoler en Luc (voir note 9). Plus que les évangiles de Marc Matthieu et Jean, les deux livres de Luc comportent un grand nombre de leçons propres [.] »
Notes correspondantes :
« Note 1 - J. Irigoin, datant "l'écriture grecque du codex de Bèze", de la première moitié du V ème siècle (p. 3-13) et L. Holtz "l'écriture latine du codex de Bèze" entre 380 et 420, (p. 14-55) - dans Actes du colloque International de Lunel (27-30 juin 1994) - ce sont les années 400-420 qui ont été retenues depuis. »
« Note 9 - Notamment la généalogie, ou encore le Notre Père, l'appel de Levi; il faut alors se référer aux autres manuscrits pour connaître l'original lucanien. »
Codex BezaeCela signifie clairement que les différences qui existent entre les récits des évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), à savoir leurs particularités textuelles propres, ont été délibérément effacées par les rédacteurs du Codex Bezae (début du Vème siècle), et que leurs efforts se sont tout particulièrement attachés à modifier l'évangile de Luc. A ce stade de notre raisonnement, nous sommes bien obligés de remarquer que Philippe de Chérisey avait spécifié que le petit parchemin, dont nous savons qu'il reproduit justement le début du chapitre VI de l'Evangile de Luc, versets 1 à 4 dans la version du Codex Bezae, constituait un mélange des trois évangiles synoptiques. La solution au problème est donc à portée de main. Il ne nous reste plus, pour la cerner complètement, qu'à citer un exemple précis tiré du Codex Bezae, situé dans le même passage de Luc, d'un « montage d'évangiles synoptiques » tel que le décrit Philippe de Chérisey.
Source: Article intitulé "Luke 6:5 D Reexamined" (« Le passage du chapitre 6 verset 5 de l'Evangile de Luc réexaminé dans la version du Codex D - Bezae ») par J. Duncan M. Derrett, paru dans la revue "Novum Testamentum - An International Quarterly for New Testament and Related Studies", Vol. 37, Fascicule 3 (Jul., 1995), pp. 232-248. L'article comporte 17 pages. Cette revue est publiée par les éditions E. J. Brill, à Leiden, aux Pays-Bas.
http://www.jstor.org/discover/10.2307/1561222?uid=3738032&uid=2&uid=4&sid=21102866811547
"Delobel, studying Codex Bezae's handling of the Sabbath material in Luke, found 6:5 D to be a harmonization of synoptic gospels rather than a new creation [.]"
Traduction : « Delobel, en étudiant la manière dont le Codex Bezae traite des éléments qui concernent le Sabbat dans [l'Evangile de] Luc, a trouvé que le passage 6:5 D (note : le passage du chapitre 6 verset 5 dans le Codex D, c'est-à-dire le Codex Bezae) était une harmonisation d'évangiles synoptiques, plutôt qu'une nouvelle création [.] »
Voici la référence des travaux de Joël Delobel sur le sujet : Delobel, Joël, "Luke 6,5 in Codex Bezae: The Man Who Worked on Sabbath" , in "À cause de l'Évangile", Paris: Editions du Cerf, 1985, pp. 453-477. [Pendant 32 années, le Professeur Joël Delobel a enseigné au Département des Etudes Bibliques de la Faculté de Théologie de l'Université Catholique de Louvain.]
Joël Delobel nous indique donc que le verset 5 du chapitre 6 de l'évangile de Luc dans la version du Codex Bezae (encore appelé codex D), c'est-à-dire le passage situé juste à la suite de l'extrait du codex donné par le petit parchemin, comporte une variante de texte qui ne se trouve nulle part ailleurs, et qui est le résultat direct d'une « harmonisation », c'est-à-dire bel et bien d'un montage textuel, de plusieurs évangiles synoptiques. Qui plus est, nous apprenons que cette modification concerne spécifiquement la description que le texte du Codex Bezae fait du Sabbat, selon la désormais célèbre expression, unique en son genre parmi tous les codex occidentaux, de « Sabbato Secundo Primo » (Luc, chapitre 6 verset 1, présent uniquement dans le texte latin du Codex Bezae).
En outre, cette phrase de l'article « Histoire du manuscrit et de son texte » extrait du site « Dammarilys » spécialisé sur le Codex Bezae Cantabrigiensis (D-05) : « Plus que les évangiles de Marc Matthieu et Jean, les deux livres de Luc comportent un grand nombre de leçons propres [.] » révèle que l'objectif des rédacteurs du Codex Bezae était de conformer l'Evangile de Luc aux deux autres synoptiques (Matthieu et Marc) en remplaçant les extraits divergents de Luc par ceux de Matthieu ou Marc. Ainsi, l'intérêt que portait le créateur du petit parchemin à l'Evangile de Luc dans la version du Codex Bezae, s'explique par l'attention toute particulière que les rédacteurs du Codex Bezae eux-mêmes ont porté à « retoucher » le texte de cet évangile.
Philippe de Chérisey ne pouvait donc pas se référer à autre chose qu'au Codex Bezae lorsqu'il disait que le petit parchemin était le résultat d'un montage de trois évangiles synoptiques, puisque le Codex Bezae lui-même, tout particulièrement dans son Evangile de Luc (dont le petit parchemin tout entier est une citation), est le fruit d'un tel montage, vraisemblablement effectué dès le début du Vème siècle ! De même, au vu de ces éléments, Philippe de Chérisey ne pouvait être autre que le créateur du petit parchemin.
© Isaac Ben Jacob, 7 août 2008
Codex Bezae Cantabrigensis
Théodore de Béze: et les protestants du roi
Jean-Luc Chaumeil: Le Testament du Prieuré de Sion
Isaac Ben Jacob