Une secte d’extrémistes politiques d’origine Bogomile, devenue Franciscaine:
les Giovannali
L’histoire de la communauté religieuse hérétique des Giovannali (1) est remarquable à plus d’un titre.
Un portrait plus qu’évocateur de cette secte est esquissé dans la conférence « I GHJUANNALI » donnée en 1999 par Guy Pacini, membre de l’Accademia Corsa (2) :
« Le parlé du sud de la Corse n’a retenu qu’un terme, “A GHJUANNARA ” pour rappeler ou plutôt caractériser les méfaits plus que l’influence de cette communauté religieuse.
La tradition populaire, de nos jours encore, ne l’évoque que comme synonyme d’orgies et de pratiques nocturnes innommables. »
Jusque là, rien de particulièrement étrange, du moins, s’agissant de sectaires en rupture avec la Chrétienté et issus de migrations Bulgares.
Sauf peut-être, leur origine elle-même, et c’est encore Guy Pacini qui nous apporte cette précision capitale :
La Peste a infesté l'Europe in 1348
On le voit à la lumière de ces quelques éléments, les Giovannali, tant par leurs pratiques mortificatoires, que par les circonstances de leur apparition, étaient en tous points semblables aux pénitents que l’on nommera, exactement un siècle plus tard, « Battitu » en Corse. Cela n’a rien d’une coïncidence, d’autant que ces « Battitu » seront également suscités en Corse par des Franciscains, et que leur montée en puissance eut lieu précisément à l’occasion de la résurgence des épidémies de peste noire dans toute l’Europe, dans les années 1450… Leur nom même n’est pas sans évoquer les BATTUTI, encore nommé Disciplinati, les premiers Flagellants à être désignés comme tels, apparus en Italie à Pérouse, en 1260, sous l’influence, là encore, de Franciscains !
Comme nous le rapporte Alexandre Grassi, Filippini ajoute que les premiers véritables dirigeants politiques des Giovannali furent « Polo et Arrigo, deux bâtards, frères illégitimes de Guglielminuccio, seigneur d'Attallà, […] (qui) se mirent à la tête des Giovannali […] dans le but d'augmenter leur héritage et leur influence. »
Ces deux personnages, voyant là une occasion unique d’assouvir leur soif de pouvoir, furent, comme l’on s’en doute, aisément gagnés à la pénitence par les sermons enflammés du Franciscain Giovanni Martini, le fondateur de la confrérie.
Grassi, suivant toujours Filippini, ajoute que sous les auspices de ces deux personnages, « La secte grandit vite, elle compta bientôt toute la population de la pieve (note : circonscription ecclésiastique placée sous l’autorité d’un piévan, sorte de préfet ecclésiastique. Carbini était le chef-lieu d’une pieve). Elle devint assez puissante pour inspirer la peur aux seigneurs de Carbini. »
Vieux monastére Franciscain en Corse
Or, Pacini observe très justement que cette dernière remarque, remise dans le contexte de l’époque (la croisade contre les
Albigeois de France était encore vivante dans les mémoires), particulièrement chez un évêque, indique à l’évidence « que le Piévan était un “revêtu” ou un “parfait” Cathare, seul capable d’administrer le “consolamentum” ».
Et Grassi d’ajouter qu’il ressort des études de la correspondance échangée entre les évêques de Corse et le Saint-Siège, effectuées par l’abbé Casanova (6), que « les Giovannali étaient des Fraticelli, c'est à dire des Franciscains spirituels qui condamnaient […] l'Eglise. »
Précisément, il se trouve que les Fraticelli ont toujours combattu l’Eglise aux côtés des Cathares, et à ce titre il est intéressant de noter, à la suite de Grassi, que l’abbé Casanova « indique [...] la présence des Cathares en Corse pendant la première moitié du XIV ème siècle. »
Telle était la vigueur de l’hérésie que Grégoire XI sévit à nouveau, le 14 mai 1372, en nommant le carme Mgr. Pierre Raymond, évêque de Mariana, inquisiteur, cette fois pour une durée de cinq ans, car écrit-il, les hérétiques « usaient d'arguments "trompeurs, faux et astucieux". En conséquence, il établit canoniquement en Corse le tribunal de l'Inquisition [...] Grégoire voulait, ce faisant, "extirper" complètement les hérésies qui, disait-il, "pullulaient". Il a soin de préciser la qualité des personnes contre lesquelles devront s'exercer les poursuites judiciaires: ce sont "des hérétiques, des croyants, des fauteurs, leurs défenseurs et receleurs", termes usités dans la pratique inquisitoriale pour désigner les Cathares et leur hiérarchie. » (Registre du Vatican 283, fol. 248). » Le fait nous est rapporté par Mgr. Mollat (7)
Mais les pénitents Catharo-Franciscains avaient la vie dure... En 1377, l’hérésie n’est toujours pas extirpée et Grégoire XI, excédé, est obligé de s’adresser au Général des Franciscains pour, nous dit Antoine-Dominique Monti, « lui demander de désigner dans son ordre un inquisiteur pour la Corse ET la Sardaigne. Le pape déplore la recrudescence du mouvement hérétique qui a essaimé en Sardaigne (D'après l'abbé Casanova, I, 77, et Mgr. Mollat). »
L’affaire Giovannali se poursuivra ainsi jusqu’à la toute fin du XIV ème siècle, comme l’atteste la lettre par laquelle Boniface IX, le 3 août 1395, mandate un nouvel inquisiteur pour la Corse et en Sardaigne, en adjurant les autorités locales de favoriser son action. Il s’agira cette fois de François Bonacorsi, évêque de Gravina, nonce apostolique et administrateur de l'église d'Accia (Registre du Vatican 314, fol. 376r).
Cependant, à en croire les chroniqueurs Giovanni della Grossa et Montegiani, on n’entendit plus parler des Giovannali à la fin de la croisade. Et pourtant, Alexandre Grassi, en 1865, lors d’une visite dans le hameau reculé d’Arone, non loin de Carbini, constata qu’il était dépourvu d’église, et que ses habitants, portaient tous le même nom de famille, Cucchi (Chats-Huants), et formaient un clan qui ne tolérait aucun étranger en son sein, mais surtout qu’ils avaient tous pour coutume de pratiquer l’échangisme des femmes, « car il faut dire accouplement et non mariage : sur 23 ou 24 unions on en compte à peine quatre ou cinq de légitimes. [...] Quand vous avez vu ces hommes, quand leur nom a réveillé en vous les terribles souvenirs qu'il rappelle, lorsque leurs moeurs, leur manière de vivre, vous sont dévoilées, vous vous écriez : ce sont les descendants des Giovannali. »
Nous laisserons le mot de la fin au même Alexandre Grassi, car qui pouvait mieux conclure cette étude que le découvreur même de la survivance des Giovannali au XIX ème siècle ? Personne, à notre avis.
« En rattachant nos Giovannali aux Frères Bougres Jean de Ducange et aux Joviniani de Mathieu Pâris (8), c'est à dire aux Albigeois de France, [...] nous pouvons affirmer qu'ils pratiquaient le fond de la doctrine cathare : le dualisme, la distinction, entre le génie du bien et le génie du mal, la croyance à une puissance égale à deux principes. Les accusations de Filippini contre la secte le prouvent, car, se livrer, dans une obscurité profonde, dans une obscurité aveugle, […] à des orgies sans nom, faire de ces pratiques un dogme (9), c'est rendre hommage au démon, c'est sacrifier à l'esprit du mal, c'est agir selon ses commandements, c'est reconnaître ainsi sa puissance. »
Célébration moderne de pénitents corses
Notes de bas de page
(1) Le nom de « Giovannali » est la traduction italienne, reprise en français, du mot corse « Ghjuannali », plus rarement écrit « Ghjuvannali »
(2) L’Accademia Corsa est une association de sauvegarde de la langue, du patrimoine et des traditions corses, basée à Nice. Elle fut fondée en 1964.
(3) Ces trois localités côtières délimitent une région de forme triangulaire qui correspond très exactement à l’extrême-sud de la Corse.
(4) « Les Cathares Corses », une conférence d'Alexandre Grassi en 1866, publiée par l'ADECEC avec bibliographie du conférencier et notes par Antoine-Dominique Monti, à Cervioni, 1996 (3ème édition). Voir aussi l’édition originale de 1972. Comme le précise M. Grassi lui-même, cette conférence fut, à l’origine, réalisée sur la base des archives de la famille Giacobbi, de Cervioni.
L’ADECEC (« Association pour le Développement des Etudes archéologiques, historiques, linguistiques et culturelles du Centre-Est de la Corse ») est une association de défense de la culture corse, basée à Cervioni. Elle fut fondée par Antoine-Dominique Monti en 1970.
(5) Archidiacre Anton-Pietro FILIPPINI, “Historia di Corsica nella quale si narrano lutte le cose seguite da che si comincio habitare, insino all'anno 1594”, un ouvrage paru à Tournon, en 1594.
(6) Abbé Casanova, “Histoire de l’Eglise Corse”, Ajaccio, 1931.
(7) « Les Cathares en Corse » : une communication faite en avril 1956 à l'Académie des Inscriptions des Belles-Lettres, par l’un de ses membres, Mgr. Guillaume Mollat, publiée par Antoine-Dominique Monti, fondateur de l’ADECEC, en appendice à la conférence de 1866 par Alexandre Grassi sur le même sujet.
(8) Voir à ce sujet l'« Historia Major » (1238) de Mathieu Pâris, une des sources d’information les plus précieuses du Moyen-Age : « Ipsos autem nomine vulgari, Buragos appellavit sive ossent Patarini, sive Joviniani, vel Albigienses », « Ceux-là même il les appela du nom commun de Bulgares, qu'ils aient été Patarins, Joviniani ou Albigeois. »
Par ailleurs Alexandre Grassi relève également que « Ce nom des Giovannali était celui de toute une branche considérable des Cathares, bien entendu avec la différence dans la dénomination que comporte la langue de chaque pays. Et cette branche tenait son nom d'un réformateur né dans la secte même, le docteur Giovanni de Lugio (note : c’est-à-dire Jean de Lyon), esprit subtil et spéculateur [...] au début du XIII ème siècle [...] Un grand nombre de Cathares, d'Italie et de France, embrassèrent la doctrine de Jean De Lugio. Ainsi à partir du XIII ème siècle, voyons-nous, dans les procès intentés contre les hérétiques, entr'autres dénominations, celles de Frères-Jean, et, particulièrement, celle de Frères Bougres Jean. Frà Raniero Sacconi (note : dans sa « Summa De Catharis », en 1250), que Bossuet a cité plusieurs fois lui même en parlant de Jean de Lyon, l'appelle un des chefs des Nouveaux Manichéens ».
(9) N’oublions pas que les Giovannali, comme l’atteste M. Grassi, condamnaient fermement le mariage, ce qui, ajouterons-nous, leur confère une ressemblance pour le moins extraordinaire avec les Patarins...
Et non sans quelque raison : ceux-ci tentèrent bien de réduire les sectaires par la force des armes, mais trop tard. Ils furent en effet vaincus en bataille rangée par les troupes qu’avaient réunies Polo et Arrigo d’Attalà. Demeurés seuls maîtres à Carbini, les Giovannali nommèrent alors Piévan de la région Fra Ristoro, un Franciscain, en fait, le co-fondateur avec Giovanni Martini, de la confrérie de pénitents tertiaires à l’origine de la secte…
Si efficaces en effet furent l’aura et l’impulsion donnée aux Giovannali par ces deux meneurs d’hommes, que ceux-ci étaient parvenus, en l’espace d’à peine deux ans, comme le dit Guy Pacini, à essaimer « dans toute la Corse, et notamment à Alesani et Ghisoni », deux localités de la côte orientale de l’île, où ils s’étaient implantés peu de temps après leur victoire à Carbini.
Filippini illustre d’ailleurs cette période d’apogée de la secte, par le fait que les Giovannali avaient édifié à Alesani, ce qu’il appelle un « gagliardo presidio », c’est-à-dire une forteresse en forme de tour, aux épaisses murailles.
De simple confrérie franciscaine, la secte était ainsi devenue, et avec une facilité déconcertante, un mouvement politique puissant, proche du Communisme, ou du National Socialisme (Nazisme), car en « révolte par la demande de distribution des terres et le partage des biens », comme l’atteste Guy Pacini.
Ces revendications collectivistes conduiront notamment les Giovannali à refuser de verser l’impôt par l’intermédiaire de leur Piévan, à l’évêque d’Aléria, défiant ainsi directement l’autorité de l’Eglise.
C’est d’ailleurs ce qui explique, d’après Pacini, « l’excommunication intervenue dès 1353 à l’encontre de RISTORO, Piévan de CARBINI, et de la congrégation. Il est reconnu par l’Evêque [Mgr. Raymond d’Aléria] comme « corrupteur du peuple, responsable de réunions superstitieuses et monstrueuses, et enfermé dans de multiples erreurs. »
Mais Ristoro de Carbini, qui était un habile négociateur à l’esprit sournois, s’empresse de faire appel à l’archevêque de Pise, le supérieur de Mgr. Raymond, et obtient en 1354 le rejet de la sentence d’excommunication, ainsi que la levée de l’interdit jeté par l’évêque sur les locaux de la secte.
Cependant, comme le rapporte Alexandre Grassi, c’est alors que le prélat d’Aléria choisit courageusement d’ignorer les injonctions de son supérieur, et décide d’envoyer sans délai une lettre de recours au Saint-Siège, qui se trouvait alors en France, en Avignon.
« N’apparaît-il pas comme hérétique », écrit-il à cette occasion, « qu’un homme qui n’a pas encore été ordonné prêtre, prétende absoudre les gens de leurs péchés comme s’il l’était ? »
« Organisation fondée en 1352 à CARBINI, petit village de l’Alta Rocca, dans la région comprise entre Porto-Vecchio, Bonifacio et Sartène (3) […] la fraternité des “GHJUANNALI” […] est fondée par un Franciscain tertiaire de Marseille […], le Frère Johanne Martini, vicaire du révérend père ministre général dans l’île de Corse du Tiers-Ordre de Saint François. »
Qu’est-ce à dire ? Les Giovannali, dont par ailleurs Alexandre Grassi, dans sa conférence « Les Cathares Corses » de 1866 (4) disait : « ce germe déposé au sud de la Corse, ce sont les Cathares qui l'y ont porté », seraient-ils, outre des Albigeois, des Pénitents Franciscains ?
Certes, puisque Guy Pacini nous rapporte par ailleurs que « Le chroniqueur Giovanni della Grossa établit en 1464 “qu’ils s’imposaient certaines pénitences à leur manière, ils se réunissaient dans les églises la nuit pour faire des sacrifices et, là, certaines pratiques superstitieuses, après quelques vaines cérémonies, ils éteignaient les flambeaux, et....” »
De nombreuses sources, ajoute Pacini, affirment qu’ils s’adonnaient ensuite « à des orgies collectives dans les sanctuaires […]. »
L’archidiacre et historien Anton-Pietro FILIPPINI, dans son “Historia di Corsica” (5), nous donne d’ailleurs confirmation de l’extrême perversité de leurs mœurs nocturnes, en les décrivant, à mots couverts, comme des échangistes, mais aussi des pédophiles forcenés :
« Pour mettre le comble aux malheurs de l'île, une secte s'éleva dans ces mêmes temps, à laquelle on donna le nom de Giovannali […]. La secte s'établit […] dans le pays des Carbini : elle comprenait des hommes et des femmes, et parmi ceux qui la composaient, tout devait être en commun, non seulement les biens de toutes sortes, mais aussi les femmes et les enfants […] »
Quand au type de pénitences que les Giovannali avaient coutume de s’infliger, Guy Pacini précise utilement sa pensée en ajoutant que « L’accent peut être mis […] sur leur pratique de l’ascétisme et des flagellations, qu’il faut replacer dans le contexte plus large du temps de la grande peste. » Et que « le mouvement des GHJUANNALI prend naissance au moment de la grande peste, et des maladies innombrables qui touchent la population. »
Et bien que le récit d’Alexandre Grassi fasse totalement l’impasse sur la nature pénitentielle des Giovannali, celui-ci ne peut esquiver le fait que, selon ses propres termes, « la peste noire de 1348 qui anéantit la moitié, peut-être les deux tiers des populations […] eut des conséquences innombrables. En Corse, elle a préparé le lit à une révolution populaire et à une hérésie. »
Et force nous est de constater que si ce dernier n’a pas jugé utile de préciser ses sources sur ce point, c’est parce que les témoignages positifs ne manquent pas à ce sujet.
En effet, tant « L'Histoire de l'Inquisition » d'Henri-Charles Lea (traduction française de Salomon Reinach, Paris 1901, livre II, pp. 303-304) qui décèle la présence de Cathares en Corse dès 1340, que dans l’oeuvre de René Nelli « La vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIII ème siècle », qui nous apprend qu’« après la chute de Montségur (1244) et dans les dernières années du XIII ème siècle, beaucoup de gens ne se trouvant plus en sécurité dans leur patrie, se réfugièrent en Catalogne, en Sicile, à Raguse, en Dalmatie, en CORSE, et surtout en Italie », s’accordent sur ce point. Il en est de même de la Communication faite à l'Académie des Inscriptions des Belles-Lettres, en avril 1956, par Mgr. Guillaume Mollat, membre de l'Académie, au sujet des « Cathares en Corse ».
Et à l’évidence, c’est bien dans le sens qu’indiquent Pacini et Grassi, que le pape d’alors a compris l’allusion de l’évêque d’Aléria.
C’est qu’en effet, le 16 juin 1354, le pape Innocent VI déclare officiellement les Giovannali hérétiques, et excommunie la confrérie dans son ensemble. Malheureusement, comme l’on pouvait s’y attendre, cette mesure demeura lettre morte, ces pénitents fanatiques n’ayant cure de son autorité.
Urbain V, le pape d’Avignon, décide alors de réagir, et confie à un commissaire, en 1362, la tâche de lever quelques troupes pour lancer un ultimatum aux Giovannali, dans l’espoir de résoudre la crise. Cette première tentative fut un échec, ces troupes étant trop peu nombreuses et insuffisamment organisées.
Face à l’obstination des sectaires, le pape Innocent VI se voit alors contraint, en 1363, de décréter officiellement la croisade pour extirper l’hérésie de Corse. Selon le mot d’Alexandre Grassi, « le clergé fit appel au pouvoir laïque, l'abbaye donna la main au château », et une guerre militaire totale contre ces pénitents schismatiques put alors commencer. A Carbini, berceau des Giovannali, les églises San Quilicu et San Ghjuvanni Battista, qui étaient tout à la fois leurs lieux de pénitence et de débauche, furent rasées jusqu’au sol par les armées pontificales.
Ailleurs, dans toute la Corse, des centaines de Giovannali se firent massacrer au combat, ou expièrent leurs dépravations dans les flammes du bûcher.
Traqués de toutes parts, ces sectaires Franciscains se réfugièrent alors, fort logiquement, dans la pieve d’Alesani en Castagniccia, à l’abri de leur « gagliardo presidio », la place-forte qu’ils y avaient édifiée.
Innocent VI fit donner un suprême assaut contre la forteresse, et en 1364, ses troupes parvinrent à mettre en déroute le gros des Giovannali.
Mais ces efforts ne suffirent pourtant pas à éradiquer complètement la secte. Les Giovannali survivants s’étaient réfugiés au coeur des épaisses forêts et des chaînes de montagnes du centre de la Corse. Là, hors d’atteinte des soldats du pape, ils reconstituaient patiemment leurs forces...
Nous savons en effet par l’abbé Casanova dans son « Histoire de l’Eglise de Corse, T. I, p. 77, que cinq années plus tard, en 1369, le pape d’Avignon Grégoire XI dut envoyer un contingent d’inquisiteurs pour poursuivre le combat. La délicate mission de le diriger fut confiée au Frère Mondino de Bologne.
Isaac Ben Jacob